Comment vivre sans protection face au monde ?
Hommage aux petites fleurs de ce monde...
Dans cet article je ne parlerai que de fleurs, en particulier des petites fleurs. Et que ceux qui ont des oreilles entendent… 😉
Dans la nature, dans nos jardins, on peut rencontrer une multitude de variétés de fleurs.
Certaines ont des tiges bien robustes leur permettant de traverser sans difficulté les obstacles entre le point d’ancrage de leur graine et le ciel ; certaines sont dotées d’épines acérées annonçant sans scrupules à qui les regardent : « tu peux admirer ma beauté mais gare à toi si tu me touches ! ». Certaines fleurs poussent en groupe, sous la protection d’un arbre ou d’un buisson, bien entourées elles ne craignent pas d’être piétinées.
Il existe des fleurs bien grasses et radieuses, qui sans scrupule empoisonnent quiconque s’aventure à les dévorer, vengeance sournoise au sacrifice de leur propre vie.
Et puis il y a les petites fleurs. Pas celles que l’on plante dans un jardin entretenu, celles dont je parle ont été déposées par le vent, isolées, sur le bord escarpé d’une falaise ou au beau milieu d’une prairie sauvage.
Cette petite fleur là va parfois rencontrer plusieurs cailloux et rochers, souches de bois et racines avant de trouver son chemin vers la lumière. Elle va avancer dans le noir et redoublant d’effort, malgré la fragilité de sa tige et la faible profondeur de ses racines, avec pour seul allié sa programmation, sa destinée à s’épanouir au soleil.
Plusieurs de ses sœurs n’y sont pas parvenues d’ailleurs. Chemin trop périlleux, autres intempéries et animaux sauvages auront eu raison de leur apparition.
Pour celle qui aura bravé tous ces dangers, sa sortie de terre n’est pas la fin de ses tourments. Si éloignée de ses congénères, elle ne se reconnaît en rien dans son entourage. Non elle n’est pas le chardon à sa droite, assurément elle n’a rien des ronces à sa gauche, et comment pourrait-elle s’identifier à cette digitale qui se dresse fièrement à quelques mètres ?
Totalement méconnaissante de sa nature et de ce qu’elle offre au regard des autres, elle est simplement là, sans aucune protection face au monde.
Elle ne nuit pas à celui qui la mange, peut-être même lui fait-elle du bien. Rien n’empêche ce délit. C’est en cela que sa beauté me touche plus que tout autre. Elle est la plus grande preuve que dans l’apparente fragilité réside la force la plus incroyable : celle de vivre sans nuire, d’offrir au monde l’image qu’il est possible de tomber les armes et de se dévoiler, totalement vulnérable. Pas d’autre choix alors que d’accueillir totalement ses peurs, seuls pauvres remparts impuissants face aux potentielles agressions, et de découvrir que l’acceptation totale de son insécurité est une porte vers le bonheur ! (*)
Je voulais rendre hommage à toutes les petites fleurs accueillies dans mon cabinet et dont j’ai pu reconnaître la force immense à accepter d’être ainsi dans le monde.
Ne jugez pas les petites fleurs, ne les prenez pas de haut depuis votre posture carapacée, mais laissez-vous plutôt inspirer par leur courage afin d’oser vous montrer sans armure sous la lumière du jour !
(*) Merci Michèle pour cette belle découverte : « Bienheureuse insécurité » d’Alan Watts.